La seule circonstance que l’offre d’un candidat évincé aurait été sous-évaluée ou mal évaluée ne suffit pas à justifier une indemnisation de son manque à gagner

La seule circonstance que l’offre d’un candidat évincé aurait été sous-évaluée ou mal évaluée ne suffit pas à justifier une indemnisation de son manque à gagner : pour obtenir une indemnisation de son manque à gagner, le candidat évincé doit non seulement démontrer que son offre a été sous-évaluée ou mal évaluée, mais également que sans ces irrégularités, elle aurait été mieux classée que celles des autres candidats et qu’il avait ainsi des chances sérieuses d’emporter le contrat au contraire de tous les autres candidats.

La commune de Saint-Tropez a attribué, en date du 22 août 2011, un contrat de concession d’aménagement à la société Kaufman et Broad Provence. Le Conseil d’État, saisi d’un pourvoi par la société gardéenne d’économie mixte (SAGEM), a prononcé l’annulation de ce contrat par une décision n° 413584 du 15 mars 2019. La SAGEM a ensuite saisi le tribunal administratif de Toulon d’une demande d’indemnisation du préjudice correspondant au manque à gagner résultant de son éviction du contrat. Le tribunal administratif a fait droit à la demande de la SAGEM en condamnant la commune de Saint-Tropez à indemniser son manque à gagner. La cour administrative d’appel a confirmé la responsabilité de la commune de Saint-Tropez.

Saisi d’un pourvoi en cassation par la commune de Saint-Tropez, le Conseil d’État rappelle les conditions de réparation du préjudice subi par un candidat évincé du fait de son éviction irrégulière (CE, 28 novembre 2023, Commune de Saint-Cyr-sur-Mer, n°468867).

S’il est établi un lien direct de causalité entre le préjudice invoqué par le candidat évincé et la faute résultant de l’irrégularité de son éviction, le juge doit examiner si le requérant était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. S’il ne disposait d’aucune chance de remporter le contrat, il n’a droit à aucune indemnité. S’il n’était pas dépourvu de toute chance de remporter le contrat, il a droit en principe au remboursement des frais engagés pour présenter son offre. Enfin, s’il disposait de chances sérieuses d’emporter le contrat attribué à un autre candidat, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, en ce compris les frais de présentation de son offre.

Alors que la cour administrative d’appel de Marseille avait accueilli la demande de la SAGEM au motif que son offre avait été sous-évaluée ou mal évaluée sur plusieurs critères, le Conseil d’État relève que la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit. En effet, cette simple circonstance est insuffisante pour fonder l’indemnisation du manque à gagner du candidat évincé car le juge doit également rechercher si, sans ces irrégularités, son offre aurait été mieux classée que celles des autres candidats et si elle avait des chances sérieuses d’emporter le contrat au contraire de tous les autres candidats. CE, 24 mai 2024, Commune de Saint-Tropez, n°474763.

Avant d’aller au Tribunal, pensez à la négociation… puis à d’autres moyens, comme le mémoire en réclamation, par exemple…

Pour en parler, contactez-nous ici.