Un pouvoir adjudicateur n’a pas l’obligation de signaler et de réparer l’erreur par laquelle un opérateur se trompe de tiroir numérique : c’est dur, mais c’est comme ça… : dans l’hypothèse où un soumissionnaire dépose sur une plateforme électronique son offre par erreur dans le « tiroir numérique » d’une autre consultation que celle souhaitée, le pouvoir adjudicateur est dans l’impossibilité de corriger cette erreur par lui-même.
Par une décision n° 469127 (Communauté d’agglomération de la région de Château-Thierry) rendue le 1er juin 2023, le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance du tribunal administratif d’Amiens du 8 novembre 2022[1] par laquelle ce dernier a annulé la procédure de passation de marché de la Communauté d’agglomération de la région de Château-Thierry au motif qu’elle était tenue d’examiner l’offre du soumissionnaire qui s’était manifestement trompé de dossier numérique.
Le tribunal administratif d’Amiens avait en effet jugé que le pouvoir adjudicateur en question ne pouvait pas considérer une offre comme irrégulière au seul motif de l’erreur de « tiroir numérique » commise par le soumissionnaire dans le dépôt de son offre sur son profil d’acheteur. Le tribunal administratif a alors enjoint au pouvoir adjudicateur de déplacer vers le bon « tiroir numérique » une offre déposée par inadvertance dans le mauvais « tiroir numérique ».
Cette solution juridique, tolérante pour les opérateurs économiques et imposant une certaine vigilance supplémentaire aux acheteurs publics, n’a pas été retenue par le Conseil d’Etat.
En effet, selon lui, « d’une part, aucune disposition ni aucun principe n’impose au pouvoir adjudicateur d’informer un candidat que son offre a été déposée dans le cadre d’une autre consultation que celle à laquelle il voulait postuler et, d’autre part, il ne peut rectifier de lui-même l’erreur de dépôt ainsi commise, sauf dans l’hypothèse où il serait établi que cette erreur résulterait d’un dysfonctionnement de la plateforme de l’acheteur public ».
Le Conseil d’Etat fait donc porter la charge de la régularisation sur l’opérateur économique, à l’origine de l’erreur, plutôt que sur le pouvoir d’adjudicateur. Imposer une telle contrainte à ce dernier l’obligerait à faire preuve de vigilance sur chaque offre déposée sur chaque marché pour déceler les potentielles erreurs de « tiroir numérique », ce qui ne serait pas sans poser de problèmes pratiques. Ainsi, il n’existe pas de « droit à l’erreur » dans le dépôt des offres pour les opérateurs économiques.